04 juin 2006

Synthèse générale sur le roman policier et son adaptation cinématographique




Synthèse générale sur le roman policier et son adaptation cinématographique:

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Quand deux sources s'opposent (ou se complètent?)



Le roman policier a toujours été très lié avec le Septième Art. En effet, si l'on s'intéresse à la France, les années 1940 ont été les plus fructieuses puisque les cinéastes se sont interéssés à un genre très en vogue, au genre policier. On compte soixante-dix-huit films en une seule année, en 1942, malgrè la période difficile de l'Occupation. Après avoir etudié analytiquement le roman policier de Stanislas-André Steeman L'assassin habite au 21 mais aussi son adaptation cinématographique par un réalisateur, scénariste, dialoguiste et producteur très connu, Henri-Georges Clouzot, on a pu observer que plusieurs caractéristiques de ce genre se dégagent à travers ces deux différentes sources. En quoi repose l'originalité de cette oeuvre? On va se demander quelles sont les caractéristiques essentielles du genre policier et en quoi est-ce que l'on peut considérer qu'une adaptation cinématographique permet soit d'enrichir une oeuvre et donc contribuer à élargir sa notoriété soit, au contraire, à en donner une image non valable qui pousse à un refus d'apprécier l'oeuvre en raison de son adaptation médiocre.

Premiérement on va s'intéresser à l'oeuvre littéraire de genre policier pour comprendre et par conséquent pouvoir donner une définition de ce genre à travers la nature des suspects, l'intrigue, l'atmosphère, le style, etc.

L'intrigue principale d'un roman policier se construit le plus souvent autour d'un crime à partir duquel va etre bati une enquete qui va s'enrichir pour aboutir à une résolution du mystère. Cependant, la relation entre policier et crime n'est pas mécanique. Dans Un Long Dimanche de Fiancailles, de Sébastien Japrisot, l'enquete de Mathilde ne s'intéresse pas au meurtre du Bleuet, puisqu'il n'a pas lieu, mais à la recherche de la vérité, de cette petite flamme d'espoir qui brille encore en elle. Dans le cas du roman de Steeman, on retrouve une tramme très conventionnelle, selon le modèle britannique par excellence ou tout nouvel indice va dans le sens de l'élucidation du mystère par un détéctive extremement minutieux dans son approche.
En ce qui concerne la nature du détective, on pourrait assimiler le caractère de l'inspecteur Strickland à celui de Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle ou à Hercule Poirot d'Agatha Christie c'est-à-dire un détective extremement cérébral qui s'accroche au moindre détail et ne se décourage jamais dans sa quete de la vérité. On parle souvent du couple d'inspecteurs dans le roman policier comme, par exemple, en ce qui concerne Sherlock Holmes et Watson, personnage un peu moins inductif que l'inspecteur principal mais auquel le lecteur s'identifie et qui ne reste pas dans l'ombre puisque son effort de compréhension et de suivie de l'intrigue sert de base pour la propre enquete que mène le lecteur.
Une autre caractéristique essentielle du genre policier c'est l'implication très marquée du lecteur. Ce n'est pas un lecteur-suspect mais un lecteur-détéctive. Il doit faire appel à son sens de déduction afin de suivre l'enquete et chercher à aboutir au dénouement au meme moment que l'inspecteur. Certains auteurs jouent sur ce pouvoir du lecteur, c'est notamment le cas de S.A Steeman, qui, vers la fin du roman rappelle au lecteur que tous les indices ont été posés et qu'il doit etre désormais capable d'affirmer, en tout confiance, qui est l'assassin. Cela pousse évidemment le lecteur à revenir sur certains indices pour tenter, souvent en vain, d'élucider le mystère ce qui peut etre assez difficile à l'égard de certaines intrigues extremement bien baties qui nécessitent un sens de l'observation inoui.
Dès qu'il y a crime, enquete, il y a aussi suspects mais pas forcèment implication de la justice. En effet, la recherche d'indices se fait principalement à partir des interoggations de l'enqueteur sur l'implication des suspects ou non dans le crime. C'est le cas dans L'assassin habite au 21 ou l'on a affaire à dix suspects, l'un plus excentrique que l'autre qui semblent tous innocents et à la fois dignes d'une enquete minutieuse. Ainsi, tous sont passés au peigne fin dans l'espoir qu'ils céderont. Mais, évidemment, pour garder le suspense, élément-clé du genre, l'enqueteur va se confronter à des obstacles, à des faux témoignages et souvent à un désarroi face à son incapacité à élucider le mystère. Il pourra meme etre ammené à faire des erreurs. Dans le cas de notre roman, l'inspecteur va faire emprisonner trois suspects et sera contraint à tous les relacher avant de comprendre que, finalement, tous les trois occupaient la fonction d'assassin.
Enfin, chaque scène de crime nécessite une atmosphère morose ou tout laisse à penser que tout va mal et que va s'ensuivre une quete de tranquilité pour faire face à cette situation trop noir, inquiétante et bien évidemment peu agréable. C'est d'ailleurs pourquoi le roman policier a eu son essor pendant des périodes historiques critiques, par exemple le roman noir dans les années 1930 aux Etats-Unis, car le genre policier permettait de donner une image concrète de la situation à l'époque. Mais est-il facile pour un écrivain de rendre cette atmosphère sur papier? Pour cela, on retrouve souvent des crimes qui s'opèrent la nuit, souvent sous un temps pluvieux dans des quartiers défavorisés ou tout semble etre criminalité. C'est le cas dans L'assassin habite au 21 puisque les crimes se passent toujours sous le brouillard et dans les milieux défavorisés de Londres. Peut-on considérer que cette volonté de placer l'intrigue dans la capitale britannique marque la volonté de rappeller que le roman s'attache au modèle britannique du roman à énigmes? Quant au style que nécessite une telle approche, on retrouve souvent des dialogues avec des répliques courtes qui sont représentatives d'une volonté de rendre la nécessité d'élucider le mystère donc l'inutilité de faire des grands discours, des descriptions exhaustives.
Alors que toutes ces caractéristiques peuvent etre considérées comme des clichés, il ne faut pas oublier que chaque roman policier a tout de meme son originalité. En ce qui concerne L'assassin habite au 21, on peut noter que l'inspecteur n'avait pas une très grande importance dans le déroulement de l'intrigue puisque ce n'est meme pas lui qui va découvrir l'assassin. De plus, peu de scènes de crimes sont en fait representées puisque, dès le prologue, on sait que l'assassin, qui se présente sous le pseudonyme de M Smith, a déjà commis sept crimes abominables. La particularité de cet assassin c'est que on sait très peu de choses sur sa personne, juste que c'est un assassin qui terrorise tout le peuple britannique par la fréquence de ces crimes. Il s'agit donc d'une question d'etat, M Smith doit absolument etre arreté. Dès le début du roman, on comprend l'envergure des crimes et on est directement impliqué.

On parle souvent de bonnes et de mauvaises adaptations cinématographiques mais doit-on considérer qu'une bonne adaptation cinématographique doit suivre à la lettre la tramme du roman policier ou au contraire pouvoir apporter quelque chose d'original?

Si l'on s'intéresse à l'adaptation cinématographique de L'assassin habite au 21, ce sont principalement les ajouts faits par le réalisateur qui font que certaines parties du film peuvent etre considérées comme intéressantes. On peut citer notamment la volonté de réinstaurer le couple d'inspecteurs avec l'intervention de la petite amie de l'inspecteur Wens, Mila Malou. Comme son nom l'indique, c'est une femme d'un ridicule assez frappant qui cherche à impressionner mais qui tend plutot à provoquer le rire de part son excentricité, ses idées, son comportement quelque peu enfantin mais aussi la pauvreté de son sens de déduction puisqu'elle a une capacité cérébrale un peu "limitée". Cela marque peut-etre une volonté de briser le lien avec le sérieux attendu d'un roman policier et pouvoir "alléger" l'intrigue grace à ce personnage. Mais alors que sa fonction dans l'élucidation du mystère semble purement secondaire, elle s'avère etre une assez bonne détecive puisque, à la fin du film et de façon amusante, c'est elle qui va permettre au lecteur de découvrir la vérité. Comme dans le roman, c'est un tiers et pas l'inspecteur général qui va donner une explication claire afin de permettre au lecteur de comprendre.
De plus, les romans policiers étant pleins du dialogue, il est évident qu'ils sont beaucoup plus vivants sur un écran puisqu'ils sont accompagnés des réactions d'un point de vue physique des deux interlocuteurs. Dans L'assassin habite au 21, l'adaptation a su combiner deux éléments essentiels : les répliques judicieuses du roman qui sont souvent gardées intactes et le pouvoir de la caméra à mieux rendre les dialogues. Ainsi, il n'y a pas besoin de narrateur car tout est dialogue et donc beaucoup plus simple. N'oublions pas que la simplicté est une arme dans l'art.
Un autre atout de l'adaptation cinématographique est de pouvoir mieux représenter l'atmosphère angoissante des scènes. Ne dit-on pas qu' "une image vaut mille mots"? On peut donc mieux lire les émotions sur les visages des personnages et ainsi, on ne doit que s'intéresser à l'élucidation du mystère et pas à s'imaginer la scène pour mieux comprendre. Grace à des gros plans, on peut s'intéresser à des éléments-clés de l'action ou, au contraire, on peut passer plus explicitiment des passages sous silence qu'on le ferait dans le roman. Ainsi, l'intrigue de l'adaptation peut etre plus centrée sur les élements essentielles, par manque de temps aussi, afin que le spectateur puisse plus facilement comprendre ce qui se passe et donc, par conséquent, puisse plus simplement pouvoir faire appel à sens de déduction et d'observation. Mais en faisait ceci, le réalisateur ne risque-t-il d'exclure des éléments qui peuvent paraitre secondaires mais qui, aux yeux du lecteur, pouvaient etre importants en matière de style, d'interet psychologique pour mieux rentrer dans la peau des personnages, etc. ?

Cependant, certaines adaptations ne respectent pas du tout le travail de l'écrivain et par conséquent, elles sont de mauvaise qualité et jettent de l'ombre sur le travail de l'écrivain car il est évident que voir une mauvaise adaptation ne suscite pas l'envie de s'intéresser à l'oeuvre dont elle est tirée.

Premièrement, il est évident qu'une adaptation cinématographique est incomplète car le réalisateur est contraint à omettre certains éléments car il est soumis à une durée très précise. Ainsi, il est fréquent que le film ne soit qu'action et donc ne donne pas une image complète car il n'y a pas beaucoup de référence à la psychologie des personnages, au contexte... De ce fait, le film peut etre trop "sec" sans vraiment avoir de contenu et donc provoquer de l'ennui de la part du spectateur. On peut supposer que c'est pour lutter contre cet effet que Clouzot a jugé nécessaire d'insister sur le personnage de Mila Malou afin de proposer au spectateur un intermède du sérieux et de la morosité de l'atmosphère générale.
Il est aussi possible qu'un réalisateur soit obligé d'enlever des éléments essentiels de l'intrigue. Dans L'assassin habite au 21, par exemple, il y a moins de suspects que dans le roman afin que l'on s'intéresse à moins de personnages. Certes, cela permet un allégement de l'intrigue mais enlève son interet qui repose justement sur le fait que l'on a connaissance que l'assassin fait partie de ses suspects, donc s'il y a moins de suspects, il y a évidemment moins de suspense.
De plus, en raison de certaines difficultés techniques sans doute, les adaptations cinématographiques du siècle dernier n'arrivent pas toujours à etre à la hauteur. C'est le cas de l'adaptation qui nous intéresse puisque le son n'est pas du tout satisfaisant de sorte que la musique, qui est un facteur qui permet de varier le suspense, ne se fait pas bien entendre. De plus, le spectatur doit etre extremement attentif pour bien entendre tous les dialogues. Ainsi, à part devoir etre alerte pour élucider le mystère, le spectateur doit aussi se concentrer puisque les dialogues ne sont pas toujours clairement audibles ce qui peut s'avérer assez fatiguant.
Enfin, le ton de l'histoire peut etre radicalement alteré de sorte que le spectateur ait du mal à se resituer dans l'action, si l'on suppose qu'il a aussi lu le roman. Ainsi, on peut etre totalement désorienté car on doit faire un effort pour essayer de faire correspondre les éléments du roman qui ont variés et sont qui demeurés inchangés. Ce fut notre cas lorsque, après avoir lu le roman nous avons vu l'adaptation. Tous les noms des personnages que ce soit de l'assassin, des inspecteurs, des suspects ont été changés, nous devions donc chercher à savoir qui représenter ce qui s'est averé assez hasardeux.

On peut donc conclure que le genre policier est défini par des règles assez strictes meme si, paradoxalement, il est connu pour la diversité des sujets traités mais aussi les différents effets suscités puisqu'il y a une nette différence entre roman noir, roman à énigmes, etc. Quant à l'adaptation cinématographique, on en retrouve plusieurs types en fonction de la volonté ou au contraire du refus du réalisateur de suivre les principes posés par l'auteur. Cependant, on ne peut pas qualifier une adaptation cinématographique de "bonne" ou de "mauvaise" puisque se pose le problème du point de vue. L'objectivité n'existant pas, le choix du réalisateur n'est pas forcèment celui qu'aurait fait le spectateur. Ainsi, une adaptation peut paraitre pour certains comme une atteinte à l'imagination du lecteur qui, tout d'un coup, se voit imposer une conception qu'il n'aurait jamais pu imaginer. Somme toute, l'étude de deux sources différentes (le roman et l'adaptation cinématographique) d'une meme intrigue nous a permis de jouer sur ce problème des différentes conceptions dans notre effort d'élucider les mystères du genre policier...
*** À noter que cette synthèse est un travail de groupe et pas personnel. C'est juste moi qui fut chargée de la poster...