Pour commencer, il faut evidemment rappeller que L'assassin habite au 21 a été publié en 1939 par S.A Steeman. Mais que se passe-t-il donc à cette époque en France en ce qui concerne le roman policier? Était-il en pleine expansion, peu repandu ou meme redouté?
On va tenter de situer cette oeuvre dans cette époque à la fois en France pour comprendre quels éléments sociaux ont pu influencer l'auteur mais aussi en Europe, notamment en Grande-Bretagne, mère du roman à énigmes par excellence et aussi pour se demander pourquoi Steeman a-t-il choisi de situer son mystére à Londres.
On sait que le roman policier est né au XIXème siècle avec Edgart Allan Poe qui a inventé quelques caractéristiques essentielles du genre comme l'inspecteur très cérébral, une atmosphère très caractéristique, souvent pluvieuse qui pousse le lecteur à entrer dans le monde d'horreur du crime pour assister le détéctive dans sa quete de la vérité.
En France, l'expansion de roman policier n'a pris de l'élan que beaucoup plus tard, aprés les années 1930, notamment avec la création des Editions le Masque par Pigasse en 1927. Certes, beaucoup d'auteurs français avaient contribués à la manifestation du roman policier avec ses grands précurseurs tels que Honoré de Balzac (Une ténébreuse affaire, 1841), Victor Hugo (Les Misérables, 1862) ou encore Emille Gaboriau (L'affaire Lerouge, 1866), le premier disciple de Poe.
Dans l'assassin habite au 21, on retrouve le modèle typique attendu de lecteur selon le roman policier britannique pour des auteurs comme Arthur Conan Doyle et Agatha Christie c'est-à-dire un lecteur qui doit relever attentivement le moindre indice afin de découvrir la clef de l'énigme avant le dénouement (ce qui s'avère parfois hasardeux au regard des indices souvent peu explicites et qui nécessite un très grand effort cérébral comme dans la scéne du denouement avec la partie de bridge). Le roman se veut construit rationnellement et scientifiquement c'est-à-dire que chacune des pièces doivent permettre au lecteur de mener sa propre enquete en suivant celle de l'inspecteur mais sans en dire trop. Le lecteur se trouve ainsi directement impliqué et doit faire appel à son sens de l'observation et de déduction. C'est un lecteur-détective...
On peut donc affirmer que Steeman s'est inspiré du modèle anglais puisque dans ce livre, l’intérêt réside presque exclusivement dans la découverte du coupable, dans la recherche intellectuelle pour trouver la solution. Quant à la création des Editions le Masque en 1927, elles ont d'abord eu comme but d'apporter au public français des traductions du roman policier à énigme britannique et du roman noir typiquement américain emergé en raison de la crise économique des années 1930. Cependant, à partir de 1930, Le Masque se tourne peu à peu vers les auteurs francophones en leurs permettant une certaine liberté qui leur a permis de se distinguer du modèle à énigme britannique ou du roman noir. On parle alors d'une école franco-belge qui favorise le roman à énigmes mais apporte une touche d'humour dans le mystére, humour véhiculé par la personnalité de l'inspecteur ou l'excentricité des suspects. C'est de quoi il est question dans L'Assassin habite au 21 puisque le sérieux de l'inspecteur Strickland (qui joue un très petit role puisque ce n'est meme pas lieu qui élucide le mystére!) contraste avec les dix (!!!) suspects, plus étranges et pittoresque les uns que les autres. À noter que le roman policier voit à cet époque Georges Simenon, père de l'inspecteur Maigret comme principal représentant. Le première livre dans lequel il apparait c'est Pietr le letton en 1929.
Quant à 1939, date qui nous intéresse c'est-à-dire durant l'avant-guerre, on peut dire que le roman de Steeman entre en contradiction avec la tendance de l'époque qui optait pour une vision beaucoup plus noir du monde. En effet, les failles de la société sont alors ses principaux thémes.
On peut ainsi affirmer que le modèle traditionnel du roman à énigmes brittanique tenait à coeur à Steeman et c'est pourquoi il n'a pas suivi la tendance et s'est accroché à ce modèle très rigide. C'est peut-etre pourquoi il a choisi que ça se passe à Londres durant les années 30... On doit cependant admettre que Steeman a brisé avec le sérieux et la justesse requise par Agatha Christie, Arthur Conan Doyle... où le bien était le bien, le mal était le mal sans qu'aucune nuance puisse jeter ses ombres d'incertitudes et où l'inspecteur était toujouts maitre de sa personne, n'ayant droit à aucun débordement, en apportant humour et légéreté au roman...
05 mai 2006
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